La guerre pour les profils qualifiés n’a jamais été aussi intense en Suisse. Fidéliser ses équipes, assurer leur productivité devient un enjeu majeur. Comment se démarquer, en tant qu’employeur dans ce contexte concurrentiel ? Former ses cadres représente une des solutions durable et rentable.

Dans un marché du travail extrêmement dynamique, voir partir ses meilleurs éléments est aujourd’hui un risque réel pour bon nombre d’entreprises. Les grands groupes et les multinationales tentent de parer ce danger en développant des programmes pour identifier rapidement leurs hauts potentiels, répondre à leurs attentes et leur offrir des opportunités.

Dans les PME, les talents ne sont pas systématiquement suivis, ni même identifiés clairement. Pourtant, dans n’importe quelle organisation, repérer ces salariés est primordial. Leurs compétences, leurs résultats, leurs aptitudes les distinguent, bien évidemment. Mais au-delà de leurs savoir-faire, ce sont bien leurs savoir-être qui méritent d’être soulignés. Une personne que l’on qualifie de « talent » se démarque car elle s’investit pour l’entreprise, la porte plus loin, et n’hésite pas à investir des domaines inconnus pour elle ou des secteurs innovants. Identifier ces ouvertures, ces envies, ces aptitudes fait justement partie du rôle de leurs responsables. Car si les aspirations profondes des salariés à haut potentiel ne sont pas écoutées, il peut être tentant et aisé pour eux de trouver d’autres opportunités. Et cela constitue un risque important et souvent sous-estimé pour l’employeur.

Une perte impossible à chiffrer

Perdre un talent c’est, à court terme, devoir rechercher, former et accompagner une personne qui devra rapidement être aussi efficace et rentable que son prédécesseur. Un travail coûteux en énergie et en temps, qui s’étale en général sur plusieurs mois. Et dont il ne faut pas négliger la dimension émotionnelle, conséquente. En effet, lorsque l’élément-clé d’une équipe s’en va, l’ensemble des collègues se retrouve déstabilisé. Des repères sont bousculés, des relations de travail doivent être repensées. A noter que si ces départs sont nombreux, ou si le turn-over au sein d’une équipe est trop important, le doute peut s’installer quant à la capacité de l’entreprise à retenir de bons profils. C’est pour elle un risque réputationnel certain, et une logique parfois difficile à enrayer, lorsqu’elle est installée. Enfin, l’autre coût difficile à chiffrer, réside dans la perte des savoir-faire et des connaissances de la personne sur le départ. De plus, si elle est très impliquée sur le terrain, ou à l’externe, qu’elle dispose d’un solide réseau relationnel, il peut être fréquent de voir certains clients lui rester fidèles, plutôt qu’à l’entreprise. Le départ d’un talent peut, dans ce cas, se conjuguer avec une perte nette de chiffre d’affaires.

Grandir et s’épanouir au travail

Les solutions fréquemment mises en œuvre par les entreprises face à ce risque consistent à offrir des salaires élevés, des avantages matériels ou organisationnels et à se protéger par des clauses de non-concurrence… S’ils sont efficaces, ces outils ne répondent pas au problème de fond. Le véritable enjeu est en effet managérial. La plupart des départs de profils à haut potentiel ne s’expliquent pas pour des raisons de salaires, ou d’atouts annexes offerts par l’entreprise. Un environnement de travail bienveillant et stimulant, un management qui permet de grandir sur le plan professionnel et de s’épanouir revêt souvent une valeur importante aux yeux d’un collaborateur. Or, cette recherche de bien-être, d’équilibre personnel et professionnel, de développement des compétences, voire de sens au travail est souvent négligée ou peu investie.

Pour y répondre, c’est une nouvelle philosophie de management qu’il s’agit de mettre en place. L’essentiel du rôle d’un responsable n’est plus, dans ce contexte, de gérer ou de répartir les tâches opérationnelles quotidiennes, mais bien de veiller à la motivation de ses équipes, de leur donner confiance, de les responsabiliser, de s’assurer de la qualité des missions qui leur sont confiées, de les développer et de les soutenir. Sa responsabilité se situe bien davantage sur le front des ressources humaines que sur celui de la réalisation administrative des tâches. Son objectif est bien entendu que le travail soit effectué, mais surtout que les talents puissent s’épanouir professionnellement.

Comment faire endosser à un manager ce rôle décisif et central? Plusieurs leviers s’offrent à l’entreprise. Tout d’abord communiquer clairement sur ces enjeux, et afficher sa volonté de garder ses collaborateurs clé en mettant en place un programme de gestion des talents. Ensuite, selon les profils de chaque responsable, et le besoin de chaque structure, différents accompagnements peuvent être mis en œuvre : coaching, team building, travail sur la cohésion d’équipe, développement des compétences managériales, communication… Les solutions sont à développer au cas par cas.

A noter que pour les CEO et dirigeants confrontés à ces enjeux de rétention des talents, la situation peut être plus complexe. A certains échelons, trouver au sein de sa propre organisation des interlocuteurs de confiance pour échanger sur ses doutes, ou pour analyser une situation et peser ses prises de décisions devient plus difficile. Cette solitude du dirigeant et les interrogations que certains se posent sur leur propre carrière sont souvent soutenues par des coachings exécutifs. Ces échanges se font avec des coachs ayant eux-mêmes vécu des situations identiques dans leur fonction de CEO par exemple, ce qui les rend plus concrets. Quel que soit le niveau de responsabilités, développer son savoir-faire managérial reste un atout de taille pour fidéliser des profils clés.

Béatrice Elattar, Directrice et Associée 

Article paru dans notre Newsletter de décembre 2022

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